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Ara Chocolat, quand gourmandise rime avec éthique

Ara Chocolat, quand gourmandise rime avec éthique

12 décembre 2016

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Sabrina et Andrés ont ouvert Ara Chocolat en octobre 2015 (référencé sur VegOresto depuis mai 2016) à Paris. Pour eux, l’essentiel est que leur chocolat respecte les animaux autant que les humains.

Pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours professionnel ?

Sabrina : Ara est un chocolatier torréfacteur. L’équipe est composée d’Andrés et moi-même. Nous sommes un couple vénézuélien.
Andrés : j’ai été formé comme pâtissier traditionnel au Vénézuela il y a plus de 10 ans, puis, en Angleterre, j’ai été formé à la confection des ganaches et enfin à la torréfaction du chocolat. Souvent, dans les écoles de pâtisseries et même les chocolateries, on apprend à faire du chocolat mais pas la torréfaction à partir des fèves. Je suis retourné au Vénézuela pendant trois ans pour connaître les différentes variétés de cacao et pouvoir ouvrir une chocolaterie en France.
S : Andrés a eu l’opportunité de travailler avec des torréfacteurs et il est tombé amoureux des cacaoyers. Il y a énormément de choses qu’on ignore sur les différentes variétés de cacao. Il est tombé amoureux du chocolat et a voulu en découvrir le plus de variétés possible pour ouvrir Ara.

Comment l’idée de faire une chocolaterie 100% vegan est-elle née ?

14191940_654980301322322_8660782838771704774_nA : On a toujours voulu ouvrir une chocolaterie et comme on était vegans, cela semblait évident pour nous.
S : Pour les vrais amateurs de chocolat, c’est un choix facile à comprendre. En dehors de toute considération éthique, il est plus logique de travailler avec du chocolat sans produit laitier car c’est le meilleur moyen de découvrir toutes les variétés du cacao. Mettre du lait dans le cacao, c’est estomper son goût et, parfois, c’est une technique utilisée pour cacher la mauvaise qualité de certains cacaos.
Quand on a affaire à des clients vegans, bien sûr, ils comprennent notre démarche. Mais nous sommes en France et les produits laitiers ont une place très importante. Ce qui prime, c’est la tradition. On propose donc aux gens de goûter, de voir par eux-mêmes le résultat et d’en discuter après.

Votre clientèle est-elle composée uniquement de vegans ou les omnivores viennent-ils aussi ?

S : Nous avons beaucoup d’omnivores ! La plupart de notre clientèle est omnivore. Les clients vegans viennent ici en sachant exactement qu’ils vont trouver une chocolaterie 100% végétale. Mais nous avons tous les gens du quartier et plus largement tous les amateurs de chocolat : ce sont eux qui forment notre cible principale. Les clients vegans comprennent de suite notre démarche. Pour les clients omnivores, c’est autre chose ! Par exemple, nous avons choisi de ne pas mettre de lait végétal dans notre chocolat chaud car nous voulons vraiment que les clients sentent tous les arômes de chaque variété de cacao. Nous avons voulu faire un chocolat chaud comme il est fait traditionnellement en Amérique Latine mais nous avions justement des inquiétudes concernant la réaction des clients omnivores. Finalement, nous avons été agréablement surpris car ils sont étonnés et reviennent précisément pour ce chocolat chaud. Du coup, ces clients ne sont pas et ne deviennent pas forcément vegans mais ils prennent conscience du fait que les produits laitiers sont omniprésents dans notre alimentation et que cela n’est pas nécessaire.

Pourquoi avoir 15202717_699336343553384_546306379824504562_nchoisi de ne pas mettre en avant le mot “vegan” sur votre devanture par exemple ?

S : Nous avons un petit papier qui indique que nous sommes vegan-friendly. C’est également indiqué sur tous les produits et sur notre site Internet. Mais ce que nous voulons avant tout, c’est que les clients découvrent les différents goûts du chocolat vegan ; nous ne leur expliquons qu’ensuite que c’est sans produit d’origine animale. Cela fonctionne bien ! Inversement, si on dit à un omnivore qu’une préparation est sans produit d’origine animale avant même qu’il ne le goûte, cela va faire une sorte de blocage, alors que s’il goûte d’abord, il pourra se faire sa propre opinion sans a priori. Nous n’avons jamais eu de client qui ne revienne pas sous prétexte que c’était vegan ; inversement, nous avons eu des clients qui ont vu que c’était vegan avant de goûter et qui sont partis sans même essayer.

Comment élaborez-vous vos recettes de chocolats et vos différents produits ?

S : Les fèves, nous les goûtons toutes ! Ensuite, nous ne travaillons qu’avec des petits producteurs, ce qui est vraiment très difficile car nous sommes un tout petit commerce, nous ne sommes donc pas forcément aussi intéressants qu’un gros chocolatier, mais nous payons beaucoup plus. Notre souhait est de travailler avec le producteur et d’avoir une relation directe avec lui. On voit que c’est plus équitable pour eux. Parfois, avec le commerce dit “équitable”, il y a quand même des intermédiaires et nous n’avons pas la garantie que c’est réellement équitable pour la coopérative.
A : C’est très important que cela reste aussi à l’avantage du producteur. Actuellement, avec trois dollars, il n’est pas possible de vivre dans un pays d’Amérique Latine. C’est comme si vous gagniez moins que le SMIC ici. Je pars du postulat que je ne souhaiterais pas qu’un client décide de moins me payer, moi. Je ne vais donc pas payer moins le producteur.
S : Nous venons du Vénézuela et nous voyons bien que l’agriculture est toujours mal payée. On dem12799273_575808965906123_1259617976162615627_nande énormément aux producteurs mais, derrière, ils ne peuvent rien faire ; ils ne peuvent même pas vivre. J’ai conscience qu’avec notre seule boutique, ils ne vont pas pouvoir vivre non plus, mais mon but est aussi de sensibiliser les clients. J’explique toujours aux clients pourquoi nous sommes plus chers que le supermarché et ce que cela implique pour les coopératives comme pour nous.
En achetant au producteur directement, la livraison des fèves dans notre boutique peut prendre cinq ou six mois, voire même un an, car ils sont très petits et n’ont pas forcément le permis pour exporter. Ils vont donc commencer les démarches au moment où on leur demande. Souvent, les producteurs travaillent avec les fèves les plus productives. Les petits producteurs des alentours, en voyant ça, risquent de se dire qu’ils auront une meilleure rentabilité s’ils cultivent ces fèves plutôt que la variété qu’ils ont actuellement. Et là, on tue des variétés qui ont des centaines d’années et qui seront perdues à jamais. Ce n’est pas acceptable.
A : En plus, nous voulons vraiment faire découvrir les différentes variétés. Nous tenons à conserver la biodiversité sur les cacaoyers. Dans le commerce du cacao, on vous propose facilement des variétés qui produisent beaucoup et vite, mais la nature est diverse donc on doit aussi respecter et préserver cela.


Vous faites appel à combien de producteurs ?

S : On a sept ou huit pays d'Amérique centrale et du sud, mais parfois plusieurs producteurs dans le même pays. L’important, ce n’est pas le pays, c’est surtout de connaître le producteur. Pour l’instant, nous ne connaissons personne en Asie ou en Afrique mais si cela arrive, nous serons ravis de travailler avec eux.

15267688_704895719664113_6073174733759832356_nÀ votre avis, une chocolaterie vegan pose-t-elle plus de difficulté/challenge qu’une chocolaterie traditionnelle ?

S : Au début, on nous disait beaucoup que sans lait, ça allait être difficile par rapport aux enfants pendant les périodes de fêtes. Pour Pâques, cette année, on a essayé de faire des chocolats pour enfants. Nous avons été dévalisés ! Nous nous sommes rendu compte que les enfants adorent le chocolat noir, souvent même plus que les adultes. J’ai vu plusieurs fois des parents dire à leurs enfants : « ne goûte pas, c’est du chocolat noir ! ». Certains enfants ne goûtent pas car les parents refusent, mais ceux qui goûtent aiment toujours ! Nous avons même fait un atelier pour les plus jeunes avec uniquement du chocolat noir : aucun d’entre eux n’était vegan et pourtant, ils ont tous adoré. Ils en ont ramené à la maison ensuite pour faire goûter à leurs parents. Notre difficulté est juste de lutter contre ce préjugé.

Vous avez récemment remporté un concours, pouvez-vous nous en parler ?

S : Le International chocolate awards est une compétition mondiale pour tous les chocolatiers du monde (1 700 participants). Ils font d’abord une compétition régionale puis tous les gagnants participent à la finale. Nous étions parmi les gagnants et lors de la finale, nous avons eu la médaille d’or pour le chocolat en tablette « Savanah », une médaille d’argent pour le Porcelana, une médaille de bronze pour Guacare et une médaille d’argent pour une ganache à base de chocolat vénézuélien Porcelana. Pour nous, c’est très important car les ganaches traditionnelles sont toujours faites à base de produits laitiers. La nôtre est l’une des plus “naturelles” possible car nous utilisons seulement du chocolat, du beurre de cacao et du sirop d’agave. Nous sommes ravis d’avoir convaincu un jury qui n’est pas vegan !

13076840_599599876860365_1715060163852506_nUn coup de coeur végétal à nous faire partager ?

S : Ce sont les tablettes qui se vendent le plus mais chaque personne a sa préférence. Je dirais, Porcelana, Belize ou Criollo. Généralement, les gens achètent plutôt des tablettes pour offrir et faire découvrir à leurs proches. En été, les esquimaux cartonnent aussi ! Et les touristes adorent la pâte à tartiner coco/cajou. Personnellement, ma ganache préférée est celle au rhum vénézuélien et celle à la grenade. Mes pralinés préférés sont noisettes et noix de coco. J’aime bien aussi la tablette Porcelana.
A : Pour moi, c’est praliné citron et noix de cajou, ganache Porcelana et cassis ou encore la tablette Savanah.

Des projets pour l’avenir ?

A : Sur le moyen terme, nous voudrions trouver encore plus de variétés de cacaos et élargir nos contacts avec les producteurs. Pourquoi pas avoir un local plus grand et nous faire certifier biologique. Par exemple, le cacao de Belize est certifié biologique mais nous ne le sommes pas, c’est dommage. Toutefois, ce certificat ne nous empêchera pas de continuer à travailler avec des producteurs qui n’ont pas le label mais qui respectent tout de même les artisans, le cacao et la nature. Mais cette certification rassure les gens donc on y pense. Par contre, tous nos produits seront toujours équitables, nous sommes intraitables là-dessus !

10262170_298909490262740_1052106302952544645_nMille mercis à Sabrina et Andrés pour le temps qu'ils ont consacré à cette interview et pour la passion avec laquelle ils savent parler du cacao ! Retrouvez la boutique Ara Chocolat au 54 rue de Dunkerque, 75009 Paris, tous les jours de 12h à 19h (fermé le dimanche). Suivez leurs actualités sur leur page Facebook et VegOresto !

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54 Rue de Dunkerque, Paris, France